Pourquoi avoir choisi de passer le DUAD ?
J’ai été diplômé Duad, mention bien, en 2008. C’est le diplôme auquel je suis le plus attaché, peut-être parce que c’est le plus récent. Passer le Duad, c’était passer à une nouvelle étape de ma vie. Après de passionnantes expériences professionnelles au Japon et au Royaume-Uni dans la finance et le journalisme, et devenu résident régulier en Gironde, je souhaitais m’impliquer sérieusement dans le monde du vin, passer de l’amateurisme appliqué à une vraie et solide formation. Ma fréquentation de belles et attachantes personnalités du vin a renforcé cette intention. Et me retrouver sur les bancs de la faculté d’oenologie, bachoter, réviser les cours avec fébrilité, relevait aussi pour moi d’une captivante cure de jouvence.
Que vous a apporté le diplôme ?
Beaucoup. L’enseignement du Duad fut pour moi une succession de découvertes, une enfilade de portes techniques, scientifiques, culturales, gustatives qui ne demandaient qu’à s’ouvrir à ma curiosité, j’y ai gagné une rigueur et une précision dans la connaissance viti-vinicole. Qualité de nos enseignants, heureuse combinaison de la théorie et de la pratique de la dégustation, rencontres avec des camarades parfois venus de loin, notamment japonais. Et l’ouverture sur beaucoup de régions viticoles, en dehors de l’incontournable Bordelais. Avec évidement beaucoup de riches contacts humains entre dualistes et les vignerons de la région. À l’enseignement du Duad se sont ajoutés les témoignages, explications et anecdotes que je glanais en sillonnant la diversité des vignobles bordelais. J’ai rapidement voulu rapporter ce que j’avais collecté. Cela a donné un premier ouvrage, Éloge immodéré du vin de Bordeaux (Philippe Rey, 2018) où certains de mes camarades dualistes ont retrouvé une partie de l’atmosphère de notre belle époque. Dans ce livre qui eut l’heur d’être salué par la critique, j’ai détaillé mon admiration pour le courage et l’inventivité de ces obstinés du vignoble et de leurs terroirs, et chanté mon attachement pour l’irrésistible Aliénor d’Aquitaine à qui le bordeaux doit beaucoup de sa bonne fortune. Et dans un nouvel ouvrage qui vient de paraître, En défense des vins de Bordeaux (Le Cherche-Midi), où interviennent également deux écrivains, Jean Le Gall et Jean-Paul Kauffmann, nous avons cru nécessaire de hausser le ton contre tous les ignorants qui s’attaquent au bordeaux sans le connaître, de remettre l’église au centre du terroir. En répondant par des coups de gueule et des cris d’amour, mais aussi et autant par une sereine et généreuse pédagogie du bordeaux, ses atouts permanents et sa réalité contemporaine. Malheur aux ignorants, ils n’ont pas compris que les Français restent profondément attachés aux vins de Gironde, toutes générations confondues (enquête Wine Intelligence 2023). Et qu’il en va autant à l’étranger.
Quel est le meilleur souvenir que vous gardez de cette année de formation ?
Chaque semaine était source de nouvelles découvertes. Et chaque semaine, nous nous faisions de nouveaux amis, après nous être regardés en chiens de faïence pendant les premiers cours. Sans oublier quelques bonnes virées dans les restaurants alentour, et les bouteilles qui les accompagnaient…
Et le pire souvenir ?
Je n’ai pas vraiment de « pire » souvenir. S’il faut citer un désagrément, ce sont les grèves et les retards de la SNCF, particulièrement nombreux pendant cette année scolaire. Car j’arrivais souvent de Paris pour suivre les cours du vendredi après-midi et ceux du lundi matin. Je connais tous les recoins de la gare Saint-Jean. Mais je n’ai jamais manqué une seule séance ! Un regret, s’il en faut un, ce serait de ne pas avoir appris l’art de cracher pendant le temps du Duad. Certains de nos maîtres crachaient avec un impressionnant talent : noblesse de l’attaque, finesse du rejet, longueur du trait. Pas si simple. J’en reste fasciné et continue de m’appliquer.
Y a-t-il un cours ou une dégustation qui vous a marqué en particulier ?
Il y en a eu beaucoup. Me revient immédiatement en mémoire le cours sur les levures de Denis Dubourdieu : nous étions partis pour deux heures d’une pétillante leçon sur la fermentation alcoolique et soudain le fastidieux microcosme des levures prenait la forme d’un monde intelligible de petites bêtes astucieuses et bien organisées. Il y avait aussi la rigueur de l’enseignement de Gilles de Revel, la pédagogie de Frédéric Brochet, et bien d’autres. Sans oublier l’irrésistible Jacques Puisais, dont on programmait les malicieuses sentences juste avant Noël, comme une friandise anticipée. Certains sont devenus des amis. Denis et Jacques me manquent.
Etes-vous resté en contact avec des Duadistes de votre promotion ?
Oui, je reste en contact avec certains de mes camarades de promotion, que j’ai toujours plaisir à revoir. Sans compter les nombreux autres collègues des autres promotions, des plus anciennes aux plus récentes. Ce brassage me plaît. C’est tout l’intérêt du Duad´s Club : se retrouver dans la bonne humeur, si possible autour de belles bouteilles, et actualiser en permanence ses connaissances et ses découvertes. Être dualiste, c’est aussi, par rapport à d’autres formations, cultiver cette petite flamme de différence et d’exigence œnologique autour de connaissances communes.